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Dans un monde pas si lointain, marcher sur un sentier, escalader une paroi ou grimper un col à vélo relevait encore, pour la majeure partie des amoureux et amoureuses de nature, du pur plaisir personnel. Quelques années auront pourtant suffi à entraîner nos pratiques outdoor sur des chemins de traverse : quête de performance, obsession du dépassement de soi, course à la rentabilité…. Les youtubeurs sont au sommet de l’Everest, on ne part plus randonner sans parader sur Instagram, et certains vont jusqu’à embaucher des « Strava jockeys » pour courir à leur place et améliorer leurs statistiques sur les applications de running.

Nous pouvons l’affirmer : nos loisirs ont quitté l’âge de l’innocence. La nature est devenue un terrain d’enjeux – économiques, sociaux, symboliques. Loin d’échapper à la règle, nous avons souhaité nous interroger sur ces évolutions en posant la question : peut-on encore simplement jouer ? Marcher, courir, grimper, pédaler, voler, skier – sans autre objectif que celui de l’émerveillement et du plaisir ?

Pour entamer nos recherches, nous avons rencontré six voix du monde de l’outdoor afin de comprendre leurs visions de l’aventure moderne. Alpiniste, journaliste, grimpeuse, parapentiste, traileuse et skieur nous ont raconté la recherche d’un équilibre fragile entre liberté et visibilité, création et exposition, engagement et plaisir personnel → p.54. Ils nous ont offert différentes facettes d’un même constat : quand le jeu tend à décliner, il est toujours possible d’en redéfinir les règles.

Plus loin, nous avons croisé la route d’hommes et de femmes qui portent cette idée. Certains inventent des défis absurdes → p.204 et des chasses au trésor → p.122 pour conserver leur âme d’enfant. D’autres préfèrent la beauté du geste aux trophées → p.95 et choisissent d’avancer ensemble plutôt que de se battre pour la victoire → p.152. Ici, une nouvelle évidence s’est imposée : il existe mille manières de jouer.

Mais tous et toutes partagent des règles essentielles : celles du bon sens, du respect, de la cohabitation → p.184 pour protéger la nature, leur « terrain de jeu ». Une expression qui pourrait faire tiquer certains, soucieux – à juste titre – de ne pas réduire les forêts, les montagnes ou les rivières au simple décor de nos aventures → p.35. Mais une expression qui dit aussi la joie d’explorer, de ressentir, d’entrer en relation avec ce qui nous entoure.

Dans l’état actuel du monde – où la planète brûle pendant que des milliardaires font des saluts nazis – on pourrait penser que jouer n’est pas une priorité. Que c’est un luxe, une frivolité. Cette exploration nous a convaincus du contraire. Le jeu fait exister, au cœur des difficultés, des espaces de liberté. C’est une façon de garder le moral quand tout va mal → p.20, de lutter contre les dérives de notre société → p.132 et même d’en imaginer de nouvelles, bien plus séduisantes → p.208. Jouer, c’est désobéir au monde tel qu’il est. Et nous rappeler, sans grands discours, ce pour quoi il faut encore résister. Alors jouons. Mais jouons bien. Avec bonheur, avec conscience, avec courage aussi. Car à l’heure où les anciens équilibres vacillent, le jeu est un outil précieux. Jouons, nous avons tout à y gagner.

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